Dans les bois
Dans une forêt magique un personnage est né. C’est un homme. Il est nu. Seul, il n’est pas. La terre, les cieux, l’air, les étoiles, la forêt et les animaux sont le berceau de sa naissance. Et dans ce théâtre de branches, de troncs, de feuilles, d’animaux, d’insectes, d’odeurs et de bruits, cet homme apprend. Naissance à la vie ? Naissance au lien dans la solitude de l’humain ? Cette forêt fantasmagorique est là, vivante, grouillante ou soudainement calme, interrogeant sans cesse l’identité de l’homme perdu. Portées par des bruits humides, bruissements de feuilles, cris d’animaux, s’opèrent des métamorphoses de sens. Lorsqu’Il n’y a plus de langue commune, il faut tenter un contact intuitif avec l’autre, radicalement étranger. Ce contact peut se nourrir d’écoute et d’observation, mais il procède d’un art de patience. Pour nous décrire son expérience, Jérémy Chabaud revient à une certaine forme de figurabilité. Figurabilité mouvante toutefois, ouverte à l’informe. Un rêve ne s’entend qu’à partir des mots choisis pour qualifier les images du rêve. Sans doute fallait-il des traits plus narratifs pour raconter cette forme d’expérience entre rêve et douleur. L’homme n’est que peu de choses dans ces bois fantastiques où le scorpion hurle son lion majestueux. Mais il est là, dans chaque toile, analysé, modifié, apprivoisé par l’altérité du monde végétal et animal. On repense au « Walden » d’Henry David Thoreau, et à sa vie dans les bois au plus loin de la société urbaine. On pourrait penser également à l’expérience de Rousseau dans la forêt d’Ermenonville. Ici, c’est par la peinture que Jérémy Chabaud nous livre ses observations : doutes, angoisses, peurs, joies, extase, détresse, et les émerveillements d’une révolte solitaire ouverte sur l’Autre. Y aurait-il un message politique par delà cette forêt enchantée ? Serait-ce dans la solitude que l’on accède à l’altérité ? Métaphorique de l’inconscient, cette forêt enchantée et terrifiante, n’apprendrait-elle pas à l’humain les limites de sa conscience ? Les limites de son pouvoir ? Chabaud nous rappelle ce que n’a pas oublié l’enfant : l’aptitude à apprendre et à s’émerveiller.
Vincent ESTELLON, Paris, 12 décembre 2010
In the woods
In a magical forest a figure is born. It’s a man. He is naked. Alone, he isn’t. The earth, the skies, the air, the stars, the forest and the animals are the cradle of this birth. And in this theatre of branches, of trunks, of leaves, of animals, of insects, of scents and sounds, the man learns. A birth into life ? A birth into the relationship with human solitude ? This fantasmagorical forest is there, alive, crawling or suddenly calm, constantly questioning the identity of the lost man. Borne by damp noises, the rustle of leaves, the cries of animals, the senses change. When there is no common language, one must attempt an intuitive contact with others, radically foreign. This contact may be enriched by listening and observation, but it is born from an art of patience. In order to describe his experience, Jérémy Chabaud comes back to a certain form of figurativeness. A shifting representability however, open to the unformed. A dream can only be heard through words chosen to qualify the images of the dream. No doubt more narrative traits were needed to recount this form of experience between dream and pain. Man is but little in these fantastical woods where the scorpion howls out as a majestuous lion. But he is there, in each picture, analyzed, modified, won over by the otherness of the plant and animal world. One is reminded of Henry David Thoreau’s « Walden », and his life in the woods far from urban society. One might also think of Rousseau’s experience in the forest of Ermenonville. Here, it is through painting that Jérémy Chabaud shares his observations : doubts, fears, joys, ecstasy, distress, and the wonderments of a solitary revolt open to Others. Could there be a political message beyond this enchanted forest ? Could it be in solitude that one acceeds to otherness ? Metaphorical of the subconscience, does this enchanted and terrifying forest not teach us humans the limits of our conscience ? The limits of power ? Chabaud reminds us what children have not forgotten : the aptitude to learn and wonder.Vincent ESTELLON, Paris, 12th December 2010
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